lundi, juillet 04, 2005

Frida, l'oiseau blessé. Le sang est sa couleur.


Frida Kahlo était un sacré caractère. Et ce n'est pas parce qu'un film avec Salma Hayek vient de sortir sur sa vie qu'on va vous la laisser ignorer ! D'abord, elle avait dans les veines tous les ingrédients pour devenir quelqu'un d'intéressant : un père allemand mais juif hongrois d'origine, une mère de sang mêlé indien et espagnol, et une sacrée culture. Née en 1907, elle intègre en effet à quinze ans la plus célèbre école de Mexico, jusque là plutôt fermée aux filles, grâce au soutien de son père (ah l'importance du père dans les carrières féminines !). C'est là que, son tempérament artistique aidant, elle rencontrera, tombera amoureuse de, et séduira, un peintre qui est déjà un personnage, Diego Rivera. Il deviendra plus tard son mari. A cette époque et dans ce milieu éclairé, elle commence aussi à se forger des opinions révolutionnaires, qui la mèneront jusqu'au militantisme au sein du Parti Communiste. Tout cela aurait sans doute donné comme résultat une femme passionnante, une personne agréable à connaître, et peut-être même, qui sait, une peintre ou une décoratrice. Mais tout cela ne suffit pas à faire Frida Kahlo. Car ce qui l'a vraiment faite, c'est un accident. Un horrible accident. En 1925, elle a donc 18 ans, Frida est dans un bus. Le bus percute ou est percuté par un tram. Elle est empalée au niveau de l'abdomen par une tige de fer, le pied droit est broyé, la jambe en mille morceaux (11 fractures) , et pas de bol, ce n'est même pas la jambe qui avait été atteinte par la polio quand elle avait 6 ans, et qui était restée plus mince et moins musclée que l'autre. Le bassin , les côtes et la colonne vertébrale sont également brisés. L'épaule n'est que démise. Pendant un mois, elle restera immobile, enfermée dans un carcan. Le début d'une vie de souffrance, avec comme aboutissement, de longues années plus tard, puisqu'elle a 47 ans, l'amputation de la jambe à cause de la gangrène, puis la mort, très vite. Embolie ou suicide ?
Sur le tableau ci-contre intitulé" les deux Frida", on voit la Frida malade, blanche, transfusée, et l'autre saine, colorée, qui donne à l'autre son sang. Toute son oeuvre se fait que mettre en évidence ce contraste entre la souffrance quotidienne, que viennent seulement apaiser les drogues et l'alcool, et la nature passionnée, colorée, exubérante de Frida. C'est sur son lit de douleur qu'elle se met à peindre, pour faire quelque chose, pour s'évader de l'ennui et de l'immobilité. Peut être aussi en souvenir de l'homme qu'elle a aimé. Elle le revoit en 1928, ils se marient en 1929. Le succès est là, il fait une expo à New-York au Musée d'Art Moderne, puis le couple part à Detroit ou Frida fait une fausse couche, sans doute due aux dommages subis par ses organes lors de son accident. Elle la met en scène dans un tableau terrible. Tous ses tableaux sont terribles. Le corps y est exposé dans ses différents éléments, les organes invisibles deviennent visibles, comme sans doute ils sont pour elle sensibles. Dans un tableau intitulé "ma naissance", elle se reproduit elle-même comme un enfant mort né à demi sorti du ventre de sa mère. Pas étonnant, donc, qu'André Breton, envoûté par ses oeuvres qu'il a découvertes à Mexico et qu'il trouve évidemment surréalistes, l'invite à exposer à New York, puis à Paris. Mais elle, les surréalistes, elle les traitait de" fils de pute" ! Ajoutant qu'elle n'était pas surréaliste, puisqu'elle n'avait jamais peint ses rêves, mais bien sa propre réalité...
Inutile de détailler ici sa vie amoureuse et ô combien tumultueuse, le film doit certainement remplir ce rôle (au moins je le suppose car je ne l'ai pas vu). Bisexuelle, maîtresse de Trotsky, spéarée puis remariée avec Diego.. il y a amplement de quoi remplir une heure et demie de pellicule. Qu'importe. Frida est plus présente dans sa peinture que dans n 'importe quel scénario forcément romancé.
Elle aura connu de son vivant et in extremis la consécration : une exposition dans sa ville, Mexico, lui est entièrement consacrée, en 1954. Malade, elle y assiste quand même, dans son lit ! L'expo est un triomphe. Elle meurt peu de temps après...
[R.C., internenettes.fr]