lundi, mai 29, 2006

La belle irlandaise

Don Juan

Gloire à qui freine à mort, de peur d'écrabouiller

Le hérisson perdu, le crapaud fourvoyé

Et gloire à don Juan, d'avoir un jour souri

A celle à qui les autres n'attachaient aucun prix

Cette fille est trop vilaine, il me la faut

Gloire au flic qui barrait le passage aux autos

Pour laisser traverser les chats de Léautaud

Et gloire à don Juan d'avoir pris rendez-vous

Avec la délaissée, que l'amour désavoue

Cette fille est trop vilaine, il me la faut

Gloire au premier venu qui passe et qui se tait

Quand la canaille crie haro sur le baudet

Et gloire à don Juan pour ses galants discours

A celle à qui les autres faisaient jamais la cour

Cette fille est trop vilaine, il me la faut

Et gloire à ce curé sauvant son ennemi

Lors du massacre de la Saint-Barthélémy

Et gloire à don Juan qui couvrit de baisers

La fille que les autres refusaient d'embrasser

Cette fille est trop vilaine, il me la faut

Et gloire à ce soldat qui jeta son fusil

Plutôt que d'achever l'otage à sa merci

Et gloire à don Juan d'avoir osé trousser

Celle dont le jupon restait toujours baissé

Cette fille est trop vilaine, il me la faut

Gloire à la bonne sœur qui, par temps pas très chaud

Dégela dans sa main le pénis du manchot

Et gloire à don Juan qui fit reluire un soir

Ce cul déshérité ne sachant que s'asseoir

Cette fille est trop vilaine, il me la faut

Gloire à qui n'ayant pas d'idéal sacro-saint

Se borne à ne pas trop emmerder ses voisins

Et gloire à don Juan qui rendit femme celle

Qui, sans lui, quelle horreur, serait morte pucelle

Cette fille est trop vilaine, il me la faut

Georges Brassens

Gustave Courbet, La belle irlandaise.




À l’époque de la réalisation du tableau, le modèle préféré de Courbet était une jeune femme, Joanna Hiffernan, dite Jo. C’est son amant James Whistler, peintre américain admirateur et disciple de Courbet, qui l’avait prêtée à Courbet.
En 1866 Courbet réalisa un autre tableau, La belle Irlandaise, dont le modèle était Joanna Hiffernan. En tout Courbet réalisa quatre portraits de Jo. Elle fut vraisemblablement le modèle de L’Origine du monde, ce qui expliquerait la brutale séparation entre Courbet et Whistler peu de temps après la réalisation de l’œuvre. Whistler retourna ensuite aux États-Unis laissant un testament en faveur de Jo. Malgré la différence de coloration des cheveux roux de Jo et des poils pubiens plus sombres de L’Origine du monde, l’hypothèse que Jo ait été le modèle de ce dernier prévaut.
Dans J’étais l’origine du monde, publié en 2000 la romancière Christine Orban prend parti en imaginant comment la narratrice, Joanna Hiffernan, fut l’amante de Courbet et le modèle du fameux tableau. Déjà Bernard Teyssèdre, dans Le roman de l’origine 1996 dont le personnage central est le tableau lui-même ("il lui en arrive, des aventures!") avait proposé de voir en Joanna Hiffernan le modèle.

J'ai déjà écris un message sur ce tableau : "L'origine du monde" mais je ne sais plus quand.

Cette touffe sauvage a donc un visage.

Comme l'amour, l'art n'est pas plaisir mais passion.

André Malraux, Les voix du silence.